Les négociations commencent à San Cristóbal de las Casas et un accord intervient, en février de la même année, entre les dirigeants rebelles et le gouvernement. Les rebelles soumettent alors cet accord à l'ensemble de la communauté qui forme leur base. En Juin, dans la Deuxième Déclaration de la Jungle de Lacandonne, les zapatistes annoncent que l'accord est rejeté avec une écrasante majorité par la communauté et lancent une appel pour une Convention Nationale Démocratique (CND) dont les sessions pléniaires seront tenues en territoire rebelle dans un centre des congrès qu'ils construiront dans un village zapatiste symboliquement nommé Aguascalientes, en l'honneur du site de la convention constitutionnelle de 19142.
Par la tenue d'une CND, les zapatistes tentent de construire, avec la société civile mexicaine, ce que le gouvernement mexicain refusait de discuter ou de négocier; une réforme fondamentale de l'état mexicain qui assurerait la démocracie, la justice et la paix dans la dignité et la justice sociale. Le fait que ces enjeux ne soient même pas mentionnés est en fait la raison du rejet de l'accord par la base zapatiste. Le gouvernement offrait bien plus d'écoles, d'hopitaux et d'argent lors des négociations mais pas de réformes fondamentales. Il refusait de reconnaître que le Chiapas ne constitue pas un problème ponctuel dans le temps et l'espace, que le Chiapas reflète un problème national. Les indiens du Chiapas se sont souvenus de leur histoire et de leurs morts et, partant de là, ont bien compris les enjeux sont plus vastes. Leur révolution dépasse le temps et l'espace.
La CND, tenue du 6 au 8 août 1994, fut euphorique bien que difficile. Les gens quittèrent Aguascalientes avec le sentiment que leurs volontés, leurs espérances et leurs désirs transformeraient la politique bulldozer du gouvernement. Certains crurent que cette transformation aurait lieu lors des élections du 21 août, d'autres qu'elle exploserait grâce à la désobéissance civile et les protestations qui seraient organisées. Malheureusement, en dehors de la région du Chiapas, peu se produisit. Le PRI gagna les élections et malgré les nombreuses irrégularités, l'opinion internationale fut satisfaite. La plupart des mouvements mexicains combattant pour des changements sociaux se retrouvèrent en attente.
Mais dans le Chiapas, les non-zapatistes deviennent aussi rebelles. Tous étaient convaincus que le candidat de l'opposition Amado Avendaño avait gagné le poste de gouverneur de la région. Malgré tout, le candidat du PRI, Eduardo Robledo Rincon, fut déclaré vainqueur. Plusieurs municipalités situées à l'extérieur du territoire zapatiste déclarent alors leur autonomie, expulsent leur représentant local du PRI et leur chef de police, et reconnaissent Amado Avendaño comme leur futur gouverneur. L'Assemblée de l'Etat Démocratique du Peuple du Chiapas (AEDEPCH) est alors formée. Le 8 décembre 1994, le PRI accueille le nouveau gouverneur, Robledo Rincon, lors d'une inauguration dans la capitale, Tuxtla Gutierrez, qui se déroule sous la protection de militaires bien armés. Trois heures plus tard, lors d'une cérémonie tenue dans le parc central de la même ville, et sous la protection de 7000 indiens et paysans, Amado Avendaño devient le "gouverneur de la révolte". L'AEDEPCH fera office de cabinet du gouverneur.
Pour l'EZLN, la pire chose qui aurait pu arriver c'est que rien ne se passe. En effet, et comme l'a souvent répété l'EZLN, le PRI misait largement sur le fait que les gens deviendraient fatigués et ennuyés par ces événénements et oublieraient les zapatistes et leurs demandes. Après l'élection du mois d'août, la stratégie d'attente du gouvernement semblait en voie de se réaliser partout sauf au Chiapas. Tout n'était qu'une question de temps, semblait-il.
Les zapatistes ont souvent rappelé qu'ils interpréteraient l'inauguration de Robledo Rincon comme une violation du cessez-le-feu encore en vigueur. En effet, le 19 décembre 1994, ils annoncent qu'ils ont traversé les lignes du gouvernement, sans tirer un seul coup de feu, et qu'ils se sont emparés de plusieurs villages dans 38 municipalités, couvrant ainsi tout l'état du Chiapas. En quelques jours, le peso s'effondre. L'économie du Mexique est en plein désarroi tandis que le pays semble être au bord d'une nouvelle guerre.
De la même manière qu'un an plus tôt, les observateurs nationaux et internationaux se rendent au Chiapas pour prévenir les affrontements violents. Aucun coup de feu n'est échangé entre les deux armées alors que la torture, les abus et la violation incessante des droits de l'homme par les forces paramilitaires des grands propriétaires terriens continuent d'exister, comme depuis toujours dans le Chiapas. Le gouvernement et l'EZLN, sous la pression de l'opinion publique, retournent à la table de négociation. Les zapatistes présentent alors leur Troisième Déclaration de la Jungle de Lacandonne. Ils y réitèrent leurs demandes et lancent un appel pour la création d'un Mouvement de Libération National composé de tous les groupes luttant pour la démocratie au Mexique et d'un gouvernement transitoire fondé sur la constitution originale du Mexique de 1917.
Le 9 février 1995, à l'aube du début des négociations avec l'EZLN, le Président Zedillo, dans une déclaration télévisée, annonce premièrement, qu'une cache d'armes appartenant au EZLN a été découverte, deuxièmement, que le Subcomandante Marcos a été identifié comme étant Rafael Sebastian Vicente Guillen, troisièmement, que des mandats d'arrêts ont été déposés contre les dirigeants des zapatistes et que finalement, qu'il a ordonné à l'armée fédérale de pénétrer en territoire zapatiste pour effectuer ces arrestations. Cette déclaration du Président prend tout le monde par surprise au Mexique. Marcos et les dirigeants zapatistes à Guadalupe Tepeyac réussisent à s'enfuir dix minutes avant l'arrivée des tanks de l'armée. Le village entier, comme plusieurs autres, s'enfuit avec les zapatistes dans les montagnes. Chaque village de cent familles est envahi par plus de mille soldats. La nourriture, les semences, l'eau, les animaux et les outils sont détruits, le gouvernement considérant plus facile politiquement et plus prudent d'affamer et d'infecter la population. Des meurtres sont également commis par des groupes paramilitaires liés aux grands propriétaires terriens plutôt que directement par l'armée.
Pour une étonnante troisième fois, les mobilisations civiles, mais aussi l'économie qui croule, force le PRI à la table de négociation avec les zapatistes. Et pour une étonnante troisième fois, les zapatistes en profitent pour continuer leur dialogue avec la société civile via un pléblicite national et international, la «Consulta Nacional e Internacional». Dans un pays où le plébicite du PRI concernant ses plans de restructuration économique attire quelques 600,000 votants (printemps 1995), le référendum tenu par les zapatistes en août de la même année est un véritable succès, attirant 1,000,000 de votants au niveau national et quelques 80,000 votants au niveau international. Le référendum pose notamment des questions liées à la lutte des zapatistes et les moyens de continuer cette lutte.
Le succès inespéré du référendum donne lieu à une session de négociations très productive en septembre 1995, dans le village de San Andrés Sacam Ch'en de los Pobres. Ces négociations donnèrent ensuite lieu à la formation de groupes de travail sur les droits indigènes à l'automne et à la création du Forum Indigène convoqué par l'EZLN pour être tenu du 3 au 9 janvier 1996. Durant ce forum, l'EZLN démontre clairement sa capacité d'organisation et de regroupement en réunissant 250 représentants provenant de plus d'une trentaine d'ethnicités indigènes mexicaines et 150 représentants des mexicains non indigènes. Cependant, si la capacité de regroupement du EZLN est nationale et internationale, sa capacité d'organisation se limite encore au Chiapas.
Cependant, la construction des Aguascalientes II a démontré au monde que cette organisation fait preuve d'une création sans pareille et d'un profond engagement. Les Aguascalientes II sont constituées des quatre centres culturels de conventions que les zapatistes ont construits à la fin de 1995. Trois de ces centres étaient localisés dans la jungle, dans les communautés de La Realidad, La Garrucha et Morelia.
La quatrième Aguascalientes, et aussi la plus grande, était située sur les hauteurs d'Oventic, à deux heures de route de San Cristobal de las Casas, à un kilomètre des quatiers de l'Armée Fédérale et à trente minutes de route du site des négociations. L'existence des récentes Aguascalientes ne sera connue qu'aux alentours du 20 décembre au moment de la célébration du deuxième anniversaire du soulèvement. Le gouvernement mexicain dont les services de renseignement n'ont pas remarqué ces constructions (notamment un centre de convention comprenant une scène, des stands, des dortoirs, des services sanitaires) est furieux. Des tanks sont immédiatement envoyés vers Oventic. Les habitants confrontent l'Armée en bloquant la route et un accord de dernière minute intervient entre l'EZLN et le gouvernement avec l'aide de la Commission Nationale de Médiation (CONAI) présidée par l'évêque Samuel Ruiz et des justistes de la Commission parlementaire pour la concorde et la pacification (COCOPA).
Aux premières heures de l'année 1996 l'EZLN entreprend la lecture de leur Quatrième Déclaration de la Jungle de Lacandonne simultanément dans les quatre Aguascalientes. Ils y annoncent la formation du Front Zapatiste de Libération Nationale (FZLN), "une coalition sans aspiration au pouvoir, regroupant les citoyens sans parti et les organisations qui veulent libérer le Mexique du PRI..." L'EZLN continuera la lutte armée mais la majeure partie de ses efforts seront canalisés dans l'organisation et l'intégration d'autres groupes dans le FZLN.
La quatrième déclaration contient également l'annonce d'une "Rencontre continentale pour l'humanité et contre le néolibéralisme". Finalement tenue du 27 juillet au 3 août 1996, cette rencontre a rassemblée plus de 3000 personnes à La Realidad (venues des cinq continents). Le jeu de gouvernement est bien entendu celui du pourrissement. En effet, maintenir une armée de guerilla qui, pendant longtemps, ne combat pas, entraîne une décomposition de cette dernière. Les dangers de voir certains secteurs de l'EZLN se joindrent à des formations plus radicales sont toujours présents. Tandis que des groupes paramilitaires, largement protégés par le pouvoir mexicain, sévissent de façon terroriste contre la population (le massacre d'Acteal en décembre 1997 en est un exemple), l'armée fédérale procède à l'encerclement du territoire. Malgré tout, depuis les élections de juillet 1997 au cours desquelles le PRI perd sa majorité, tous les espoirs sont permis pour les zapatistes.