Dans cette thèse, nous présentons un modèle opératoire
du lien interprétatif entre la syntaxe et la structure des événements.
Notre hypothèse part du principe que la syntaxe articule ce qu'on pourrait
appeler en faisant un parallèle avec la vision, le contour apparent des
événements. Cette hypothèse nous amène à
réanalyser en termes de configurations asymétriques, la projection
des arguments d'un verbe et en termes de transitions fonctionnelles, les changements
qui ont lieu. Le modèle définit ainsi une structure relationnelle
et opérationnelle permettant d'envisager la signification de l'événement
comme une chaîne d'interactions locales entre des objets, chaîne
qui se trouve à induire une séquence de configurations locales.
Cette conception théorique nous permet d'offrir une définition
aspectuelle des rôles thématiques et d'intégrer de manière
naturelle l'apport des informations temporelles et spatiales dans l'interprétation
de ces concepts.
Notre analyse est computationnelle dans le sens qu'elle définit un lien
entre deux types de représentations (la syntaxe et les événements).
C'est donc au niveau de la compétence (le computationnel au sens de Marr,
1982) et non au niveau algorithmique ou physique que se situe notre exposé.
Le modèle proposé est à la fois explicatif et opérationnel.
Il permet d'une part, d'associer aux significations de nature événementielle
une structure pouvant rendre compte des changements qui ont lieu et des types
d'objets/individus qui participent à ces changements et d'autre part,
de générer (entendre calculer) l'événement abstrait
par l'intermédiaire de leur structure de signification.
Puisque selon une hypothèse largement admise en grammaire générative
depuis plusieurs années, la syntaxe entre en relation, à plusieurs
niveaux, avec différents types d'informations (connaissances du monde,
représentations visuelles, espaces de croyances, mémoire, etc.),
nous envisageons donc ici un sous-problème de l'interprétation
sémantique. Notre analyse ne propose pas, contrairement à plusieurs
recherches en linguistique computationnelle portant sur ce thème, une
reconstruction de formules logiques ou représentationnelles pour vérifier
l'adéquation de la théorie. Nous envisageons plutôt de générer
des images en lieu et place de ces expressions formelles. Ces scènes
visuelles permettent ainsi de visualiser la sémantique abstraite d'un
énoncé.
Les structures proposées pour rendre compte de la sémantique de
coutour des événements permettent ainsi des ajouts contextuels
variés (positionnement selon un système de coordonnées,
dimensionalité, vitesse, déplacement possible, etc.) afin de produire
les images des participants en action. Plus particulièrement, ces ajouts
ne déforment pas les structures événementielles de base
portant à croire que ces relations constituent la base des significations
des énoncés désignant des événements. Le
modèle supporte ainsi la thèse que l'interprétation des
événements peut se faire directement à partir des configurations
syntaxiques.
Trois caractéristiques sous-jacentes aux structures d'événement
guident l'élaboration du modèle: la directionalité, l'asymétrie
et la dynamicité . La première permet d'une part d'établir
un lien entre la structure relationnelle du modèle et des structures
arborescentes et d'autre part, de distinguer l'interprétation contextuelle
(ou situationnelle) de sa structure générative sous-jacente, la
directionalité constituant la base des interprétations. Ce faisant,
le modèle propose ainsi d'éliminer de la grammaire des notions
qui ne sont interprétables et discernables que si l'événement
est situé c'est-à-dire globalement interprété (les
rôles thématiques), notions qui peuvent être dérivées
des propriétés asymétriques du modèle. La troisième,
permet de rendre opératoire (entendre générative) les significations
abstraites ainsi modélisées et de rendre compte de la dynamique
interne de tout événement (ancrage temporel et aspectuel).
Notre analyse n'est pas, contrairement à plusieurs études sur
le sujet, empiriquement fondée. Elle est le résultat d'une recherche
approfondie des solutions qui ont été proposées en linguistique
mais aussi dans d'autres domaines, plus particulièrement en Intelligence
Artificielle et en psychologie, pour rendre compte des faits d'interprétation.
C'est donc une synthèse des solutions beaucoup plus qu'une analyse de
faits particuliers qui guide notre cheminement.